Recherches |
Fondements esthétiques des arts vivants de la Polynésie française.
L’ensemble des pratiques artistiques vivantes issues du continuum historique, que les Tahitiens désignent sous le terme « arts traditionnels », témoignent d’un dynamisme croissant depuis les débuts du renouveau culturel, un mouvement de rénovation insufflé par les Tahitiens dans les années 1970. Ils comprennent de nombreuses pratiques musicales associant chant, musique, danse et art oratoire. Or, depuis l’étude de la musique des Tuamotu par Burrows en 1933, peu d’études analytiques se sont intéressées à ce patrimoine. Mis à part les travaux de Jane Moulin (2004, 2001), les polyrythmies tahitiennes n’ont jamais fait l’objet d’une étude approfondie et en ce qui concerne les chants traditionnels au sens large, aujourd’hui seuls les travaux de Raymond Mesplé (1995) et de Amy Stillman (1991) font référence. D’autres recherches incluent l’étude des caractéristiques de la musique polynésienne par Moyle (1991) et McLean (1999), ainsi que les approches davantage anthropologiques de Brami Celentano (2002), Langevin (1990) et Saura (2017, 2013).
Ma thèse de doctorat a montré que les disciplines du ʻori tahiti (danse tahitienne), intimement liées à la danse et au langage, se situent à la croisée des pratiques musicales locales, et que tout comme les chants traditionnels, les polyrythmies présentent des caractéristiques qui suggèrent l’existence de critères esthétiques communs. Elle a dégagé certains traits structurels propres au patrimoine envisagé, et ouvre la voie à une étude plus approfondie du système musical, des modalités de sa production et de son appréciation esthétique par les populations qui pratiquent ces répertoires— ce qui s’avère indispensable pour mieux comprendre le fait musical dans ces archipels.
Ma recherche se propose d’explorer la production et la perception par les insulaires de deux composantes essentielles des arts vivants : les polyrythmies instrumentales accompagnant les danses et les chants polyphoniques a cappella ou hīmene. L’étude envisage de dégager les modèles sous-jacents à ces deux catégories musicales, d’analyser les processus créatifs qui y sont à l’œuvre et leur réception par différentes catégories d’audience, et enfin d’analyser le rapport de ces répertoires au langage et à la danse. Il s’agit également de recenser les critères esthétiques que ces répertoires partagent et de caractériser l’évolution des pratiques musicales et des objets musicaux.
Perceptions et représentations de l’océan dans les arts vivants, de son potentiel d’inspiration et d’innovation, et de sa valeur patrimoniale.
Face aux défis posés par la question de la pérennité et de l’équilibre dynamique du patrimoine commun que représente l’océan mondial, nous avons beaucoup à apprendre sur les modes de représentation de l’océan dans les cultures polynésiennes et leur relation avec des modes de gestion locaux tels que le rāhui (pratique de contrôle rituel des ressources en Polynésie française). Dans le cadre du Groupement de Recherche CNRS « Océans et Mers » (GDR Omer, en cours de constitution sous la direction de Fabrizio d’Ortenzio) et d’une approche globale de la valeur patrimoniale de l’océan, je me propose d’explorer l’expression de ces représentations dans les arts vivants de la Polynésie française d’aujourd’hui.
Dynamiques de transformation et circulation des savoirs.
La société polynésienne contemporaine est fondamentalement multiculturelle. Depuis les voyages exploratoires et l’arrivée des premiers missionnaires à la fin du XVIIIème siècle, l’archipel a subi de profondes mutations issues des situations de contact occasionnées par le mouvement de colonisation. En lien avec le premier axe de mes recherches, j’explore notamment trois directions :
– Les différentes formes d’expression de l’identité polynésienne dans la musique populaire contemporaine, et particulier le rôle des intellectuels initiateurs du renouveau culturel dans l’émergence d’une forme de résistance pacifique aux pressions issues de la globalisation ;
– les conditions culturelles et sociales qui ont abouti à l’émergence, au cours du XIXème siècle, du genre des chants a cappella ou hīmene et des processus de patrimonialisation dont ils ont fait l’objet depuis lors ;
– Enfin, j’ai en projet de m’intéresser aux communautés diasporiques polynésiennes de métropole, à leurs productions artistiques et aux relations qu’elles entretiennent avec la terre de leurs origines, en particulier en envisageant l’impact de l’avènement de l’internet haut débit et des années d’isolement consécutives à la pandémie de COVID-19 sur ces communautés significatives et fortement structurées.
Articulation des méthodes ethnomusicologiques avec la création contemporaine
Initiée au cours de ma recherche doctorale et prolongement de ma recherche ethnomusicologique, cette réflexion interroge la nature, les enjeux et les apports potentiels d’un rapprochement entre l’ethnomusicologie et le domaine de la composition. Conçue comme une investigation de la recherche-création appliquée à l’ethnomusicologie, cette dimension de ma recherche associe la définition du cadre théorique et épistémologique de ce processus avec la documentation d’un processus de recherche basée sur la pratique artistique et la présentation de résultats artistiques.
Sur la base de ma recherche ethnomusicologique, je poursuis ainsi une recherche-création dont le résultat est un opéra contemporain en langue tahitienne, L’Esprit du Feu : Te Vārua o te Auahi. Mon travail de compositeur et de directeur artistique interroge la nature épistémologique et expérientielle des liens entre ces deux disciplines traditionnellement éloignées l’une de l’autre. Il engage en outre une réflexion sur la transmission de l’esthétique polynésienne au travers de la musique mais aussi de la danse, de l’art oratoire et de la mise en scène.
|