Dans son livre de 1984 « Age Class Systems: Social Institutions and Polities Based on Age », l’anthropologue italien Bernardo Bernardi propose un classement général des sociétés à classes d’âge sur la base de leurs caractéristiques structurelles et fonctionnelles. Il utilise la notion de « modèle chorégraphique » pour définir le système social de certaines anciennes communautés d’Amérique du nord (comme les Mandan et les Hidatsa) chez lesquelles la transition des hommes d’un statut d’âge à l’autre avait lieu à l’issue d’une négociation entre aînés et cadets qui se terminait avec l’achat de la part de ces derniers des danses et des ornements appartenant au statut qu’ils étaient en train de rejoindre. Mes recherches chez les Samburu du Kenya et les données en provenance des travaux d’autres auteurs (Maconi [1973] chez les Karimojong, Gabail [2011] chez les Bassari, etc.) montrent que, en réalité, le « modèle chorégraphique » se présente sous différentes formes dans de nombreuses sociétés à classes d’âge. Des dispositifs semblables d’acquisition, d’apprentissage et de cession de matériel musico-chorégraphique et, plus en général, de « musicalisation » des groupes d’âge dans les processus ontogénésiques des individus ne se limitent, en effet, pas aux quatre sociétés que Bernardi mentionne dans son livre, mais sont observables tant en Afrique de l’est que de l’ouest, tant en Amérique du nord (ou moins par le passé) que du sud. Selon mon hypothèse le pouvoir de la danse, du chant et du corps d’incarner les groupes d’âge et de les « mettre en pratique » par l’activité musico-chorégraphique pourrait représenter un élément constitutif, et probablement indispensable, des processus de fabrication de ces organisations sociales et de classement de leurs membres.
“Le « modèle chorégraphique ». Vers une théorie (quasi) générale du rôle de la danse et du chant dans les sociétés à classes d’âge”
Séminaire du CREM du 15 avril 2018
14h- 16h Salle 308F de la MAE (Université Paris 10 Nanterre)
Giordano Marmone CREM-LESC