« Folk à la française ; Musique populaire et contre-culture »
Journée d’étude du 26 novembre 2020
université Jean Monnet de Saint-Étienne
organisation : Anne Damon-Guillot (UJM) et Orane Murail-Zimmermann (UJM/CNSMDL)
Le folk est-il une musique populaire ? Cette question à tiroirs en soulève d’autres : historiographiques – comment se situe le folk par rapport aux collectes de musiques et traditions rurales françaises initiées dès la fin du XIXe siècle ; politiques – la musique folk des années 1970 se faisant l’étendard des revendications régionalistes et sociales des folkeux en même temps qu’elle s’oppose au populisme et à l’hégémonie de la pop culture américaine (popular music) ; de ceci découle des débats esthétiques – doit-on préserver les traditions orales au plus proche des sources au risque de les laisser dans une forme de confidentialité, ou faut-il au contraire les rendre audibles aux oreilles modernes pour permettre leur popularisation ? Comment, en somme, faire redevenir cette musique populaire ?
En France, diverses interprétations et réappropriations naissent, d’où la définition par les folkeux eux-mêmes de diverses branches ou sensibilités : les régionalistes, les américanophiles, les acoustiques ou encore les progressistes. Le mouvement folk des années 1970 s’attèle à raviver les répertoires de l’ancienne civilisation rurale, au travers d’un réseau de diffusion indépendant (hootenannies ou scènes ouvertes, festivals et stages à bas prix, labels indépendants (Gasnault 2014)) qui défend une « culture chaude » (Lahire 2004), emprunte de convivialité et mettant en avant la démocratisation de l’accès à la musique et la pratique musicale autodidacte.
Si l’histoire du folk « à la française » se raconte aujourd’hui « sur le mode de l’épopée » (Barbet), il convient d’en interroger à la fois les différentes mises en récits en les comparant avec celles du revival anglo-saxon (Brachet) et les terminologies qui désignent des catégories (folk, trad, néotrad ou encore folklore) sans cesse mouvantes (Montagnat). Nous explorerons également lors de cette journée d’étude les différentes formes d’expression qu’a pris le mouvement, qu’elles se rattachent à un territoire particulier (Bonnemason) ou aux choix artistiques de groupes comme Malicorne qui revendique un onirisme musical fondé sur les légendes d’un peuple largement fantasmé (Murail-Zimmermann). Enfin, nous observerons comment la scène folk et en particulier le bal (Montagnat) se construisent pour leurs acteurs comme le lieu de la localité et du particularisme alors qu’ils peuvent se présenter, pour l’observateur, comme des phénomènes populaires largement homogènes en Europe, répondant à des logiques et à des savoir-faire globalisés et transposables. Il conviendra, en somme, de se livrer à une anthropologie musicale des des pratiques musicales actuelles folk & trad’ (Haug).
Vous pouvez consulter le programme ici.
RESUMES DES INTERVENTIONS :
Benoît Haug (Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités, Université de Lyon 2)
« Pour une anthropologie des musiques folk & trad’ telles qu’elles se jouent aujourd’hui : état des lieux des recherches historiques et ethnographiques (domaine français) »
Pour qui s’intéresse au revivalisme folk & trad’ français, à son histoire, aux enjeux qui l’ont traversé, à son imaginaire, ou encore (et surtout) aux recherches qui l’ont porté, les publications ne manquent pas. Les éditions de la FAMDT, tout particulièrement, ont permis à de très nombreux musiciens, danseurs et chercheurs de formuler l’état d’avancement de leurs savoirs, savoir-faire et interrogations. En 2019, le web-documentaire Violon populaire en Massif central (CRMTL) et la série radiophonique Musiques populaires, une épopée française de Péroline Barbet confirment que cette histoire n’a pas fini d’être tissée. Un an plus tôt, le film documentaire Le grand bal (Laetitia Carton) faisait circuler son spectateur entre les parquets, buvettes et campings de l’un des festivals-phare de la scène française actuelle.
Pourtant, des sciences sociales à l’ethnomusicologie, force est de constater que peu de chercheurs s’intéressent au revivalisme folk & trad’ au point de déployer à son endroit les enquêtes historiques et ethnographiques qu’il mériterait. Sur le versant historique, le travail de François Gasnault est venu combler un manque notable ; sur le versant ethnographique, aux côtés de quelques thèses isolées et sans suite, il n’y a guère que Bénédicte Bonnemason et Morgane Montagnat pour investir le terrain sur le long cours. Nous détaillerons et affinerons ce diagnostic sous la forme d’une bibliographie commentée, orientée par la perspective d’une anthropologie musicale à proprement parler des pratiques musicales actuelles folk & trad’.
Morgane Montagnat (Laboratoire d’Études Rurales, Université de Lyon 2)
« Folk, traditionnel ou populaire ? Les multiples noms des musiques trad au prisme de l’engagement »
Depuis le revival folk des années 1960-1970, les acteurs revivalistes déplorent souvent une dépolitisation des pratiques de musiques et de danses dites traditionnelles qui sont sorties du phénomène de contre-culture dans lequel elles ont émergé. Toutefois, à entendre les acteurs actuels qui ont succédé aux premiers folkeux, des formes d’engagement sont sensibles : elles portent tant sur des sonorités et des types de gestes que sur un rapport au collectif, à la transmission et aux appartenances spatiales. Ces recompositions de l’engagement dans le champ des pratiques musicales et chorégraphiques dites traditionnelles sont relayées par des variations terminologiques : les acteurs parlent tour à tour de musiques et de danses populaires, traditionnelles, folk ou bien trad et renvoient à des sens et à des stratégies de positionnement distincts. Mon intervention tente de croiser ces deux questions, celle de la recomposition des formes d’engagement au sein des pratiques revivalistes actuelles et celle des noms que ces pratiques se donnent, afin de mieux comprendre les multiples positionnements volontaristes des « mondes du trad » quant au devenir de la culture et des espaces.
Géographe de formation, Morgane Montagnat recentrera son intervention sur la problématique de la recomposition des fonctions et du sens politique des pratiques actuelles de musique traditionnelle dans le champ spatial.
Bénédicte Bonnemason (Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires, Université Toulouse-Jean Jaurès/EHESS/CNRS)
« Du « folk occitan » à la « musique traditionnelle gasconne » : le renouveau des musiques régionales des années 1970-1980 à partir du cas du Sud-Ouest »
Orane Murail-Zimmermann (CIEREC, Université de St-Étienne/CNSMDL)
« La musique folk de Malicorne : une musique « populaire » ? »
Lorsque l’on met des guillemets et un point d’interrogation, cela signe bien que les mots posent problème. Dans le contexte d’un mouvement folk engagé, prompt à défendre toutes les causes (les droits des minorités, les droits des femmes, toutes les revendications de mai 68), le groupe Malicorne fait un peu tache d’huile. Tache parce qu’il se démarque par – a priori, mais ce n’est pas si simple – son absence de revendications sur les plans politiques et sociaux, préférant le plan « cosmique » selon les dires de Gabriel Yacoub. Et pourtant, comme de l’huile, il se répand et propage le folk revival dans toute la France et par-delà les frontières. Cette diffusion sans précédent, cette popularisation nouvelle déjà amorcée par Alan Stivell, enclenchera un véritable débat sur la diversité du faire et du être « populaire » en France.
Marion Brachet (Centre de Recherches sur les Arts et le Langage, École des Hautes Études en Sciences Sociales/Université Laval (Québec))
« Authenticité, contre-culture et culture populaire : les musiques folk au prisme du revival anglo-saxon »
Dès les années 1950, l’élan des folk revivals américain et britannique donne une nouvelle visibilité à ce qui appartient à l’origine à la catégorie des musiques traditionnelles. Ce succès grandissant confère une actualité accrue à ces musiques : l’accès à de nouveaux moyens de diffusion et le contact avec d’autres genres musicaux tels que le rock enclenchent un rapprochement avec les musiques dites populaires. C’est à cette intersection, où les musiques folk peuvent être comprises comme populaires, que travaille cette communication. La négociation des valeurs traditionnelles, à commencer par celle de l’authenticité, prend un nouveau tournant dans cette confrontation avec les autres musiques aspirant à incarner une contre-culture. En substance, cette intervention retracera donc l’articulation des enjeux axiologiques des revivals à travers les chansons et leurs récits mais aussi les discours critiques les entourant, tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis, dans un corpus allant du folk aux racines du folk-rock.
Normal 0 21 false false false FR X-NONE X-NONE /* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name: »Tableau Normal »; mso-tstyle-rowband-size:0; mso-tstyle-colband-size:0; mso-style-noshow:yes; mso-style-priority:99; mso-style-parent: » »; mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt; mso-para-margin-top:0cm; mso-para-margin-right:0cm; mso-para-margin-bottom:10.0pt; mso-para-margin-left:0cm; line-height:115%; mso-pagination:widow-orphan; font-size:11.0pt; font-family: »Calibri », »sans-serif »; mso-ascii-font-family:Calibri; mso-ascii-theme-font:minor-latin; mso-hansi-font-family:Calibri; mso-hansi-theme-font:minor-latin; mso-fareast-language:EN-US;}
La journée d’étude est en ligne ce jeudi 26 novembre : https://ujmstetienne.webex.com/join/anne.damon
Normal 0 21 false false false FR X-NONE X-NONE /* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name: »Tableau Normal »; mso-tstyle-rowband-size:0; mso-tstyle-colband-size:0; mso-style-noshow:yes; mso-style-priority:99; mso-style-parent: » »; mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt; mso-para-margin-top:0cm; mso-para-margin-right:0cm; mso-para-margin-bottom:10.0pt; mso-para-margin-left:0cm; line-height:115%; mso-pagination:widow-orphan; font-size:11.0pt; font-family: »Calibri », »sans-serif »; mso-ascii-font-family:Calibri; mso-ascii-theme-font:minor-latin; mso-hansi-font-family:Calibri; mso-hansi-theme-font:minor-latin; mso-fareast-language:EN-US;}