In memoriam Jean-Michel Guilcher (1914-2017) par Y. Defrance

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Cher(e)s collègues et membres de la SFE

Nous apprenons avec tristesse la disparition de Jean-Michel Guilcher qui nous quitte dans sa 103e année le 27 mars 2017. Ce très grand ethnologue de la danse aura traversé le siècle, élève de Miss Pledge, étudiant de Jacques Chailley, ami de Claude Lévi-Strauss et de Constantin Brailoiu, formant plusieurs générations de chercheurs et surtout laissant une oeuvre considérable d’articles et de livres sur les traditions populaires de danse en France. Cette France, en particulier rurale, dont il put observer les profondes mutations et analyser en finesse les évolutions.

Mais c’est surtout son investigation ethnographique intensive en Basse-Bretagne sur plusieurs dizaines d’années qui mérite d’être soulignée ici. Tant par la méthode, la rigueur, la précision et la qualité de ses analyses, sa thèse marque un tournant dans les études ethnologiques sur la danse traditionnelle en Europe mais aussi sur les musiques qui l’accommpagnent. Réédité à plusieurs reprises depuis 1963, l’ouvrage qui s’en suivit, La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, véritable somme sur mille et une subtilités de la vie majoritairement paysanne d’avant la révolution technologique agricole, a profondément influencé la perception qu’ont les acteurs contemporains de la culture bretonne chorégraphique et musicale. 

J’eus la chance, comme d’autres chercheurs bretons, de bénéficier de son enseignement, d’entendre ses critiques, toujours fondées, et de le voir présider mon jury de thèse à l’EHESS à Paris  en 1988. Puis, il eut la délicatesse d’accepter mes visites et échanges de courriers. Preuve de confiance, il m’accorda un long entretien que nous avons pu publier ensemble dans les Cahiers d’Ethnomusicologie : http://ethnomusicologie.revues.org/1297

Ses travaux et ses conférences marquèrent un grand nombre de chercheurs français et étrangers, notamment les ethnomusicologues qui l’invitèrent à plusieurs reprises dans le cadre de la Société Française d’Ethnomusicologie. Homme discret, peu carriériste, il reçut les honneurs académiques qu’il méritait amplement, notamment sous forme d’Hommages à Grenoble ou à Brest. Au crépuscule de sa vie, Jean-Michel Guilcher nous fit l’honneur à Luc Charles-Dominique et moi-même de nous confier son dernier ouvrage que nous avons édité dans note collection Anthropologie et Musique, chez L’Harmattan: Danse traditionnelle et anciens milieux ruraux français. Tradition, histoire, société, 2009, 318 p.

Une biographie de référence de ce scientifique breton exigeant, d’une parfaite honnêteté intellectuelle et aux grandes qualités humaines, reste à écrire. De même que la traduction en anglais de ses ouvrages majeurs.

Pour l’heure, nos pensées vont d’abord à son importante descendance d’enfants, petits enfants et arrière petits enfants qui ne manquent pas de prolonger son oeuvre incomparable.

Yves Defrance

Sao Paulo, 29.03.17

 

Société française d'ethnomusicologie