Appel à manifestations Quatrième édition du séminaire nomade de la SFE (2020 – 2021)

Appel à manifestations

Quatrième édition du séminaire nomade de la SFE (2020 – 2021)

 

Initié en 2017-2018, le séminaire nomade souhaite d’une part promouvoir la diffusion des recherches en ethnomusicologie sur l’ensemble du territoire national, et d’autre part encourager la circulation des savoirs et le développement de formats de restitution différents du cadre académique traditionnel. Afin de garantir l’accessibilité des connaissances, les divers événements organisés (conférences, journées d’étude, tables-rondes) font l’objet d’une captation et sont mis en ligne sur le site internet de la Société française d’ethnomusicologie.

Complètement timbré !

Perspectives multiples sur le timbre.

 

Le timbre sonore occupe une position à la fois centrale et marginale dans les études ethnomusicologiques. Son absence (ou sa quasi-absence) de la notation occidentale a conduit à voir en lui un paramètre dont l’importance est spécifique aux musiques non-européennes (Adams 2013). Plus présent que le rythme dans les tablatures du qin chinois (Mäder 2001, Thompson 2001, Picard-Bernard-Sun 2013), plus important que les hauteurs sur certaines flûtes pré-hispaniques (Rawcliffe 2007, Beaudet 1997), porteur d’un ethos intraduisible de la culture coréenne (Willoughby 2000), le timbre apparaît dans quelques études comme le porteur d’une différence radicale entre pratique musicale classique occidentale et « autres » pratiques (Sand 1860, Schaeffner 1951), un élément de cristallisation du « grand partage » en musique, au point qu’il est devenu courant de reprocher à l’oreille occidentale d’être centrée sur les hauteurs et sourde aux timbres (Fales 2002, Lévy 2007).

Et pourtant, si le timbre apparaît dans de nombreux travaux ethnomusicologiques, rares sont ceux qui le placent au coeur de leurs investigations, si bien que plusieurs chercheurs, au cours des dernières décennies, ont appelé à lui accorder enfin l’attention qu’il mérite (Hood 2000, Schneider 2001, Fales 2002). Le timbre apparaît surtout dans certains domaines bien circonscrits : l’acoustique musicale (Castellengo 2017), de nombreux travaux d’organologie, l’étude des pratiques vocales (Barthes 1972, Trân Van Khê 1986, Curtet 2013), la cognition de la perception (Hérold 2012, 2015, 2017, 2019), la création (Barrière 1991), ou encore le courant « sonologique » (Schneider 2001) s’appuyant sur l’analyse des spectres sonores inharmoniques pour renouveler les travaux sur les hauteurs, les intervalles et les échelles. Ces études sont traversées par l’idée fondamentale selon laquelle le timbre ne peut être séparé des autres paramètres du son (hauteur, durée et intensité).

D’autres travaux montrent comment le timbre, théorisé comme marqueur de genres musicaux, peut être mis à contribution dans la construction des identités culturelles ou sculpté pour devenir l’outil d’une globalisation timbrale, mise en lumière par l’ethnographie des sound checks dans les concerts de world music (Laborde 2014, Campos 2016) ; le timbre reste un élément central dans la fabrique et la représentation des altérités musicales, comme le montre la construction d’un « son du désert », « sec et sableux », par l’ingénieur du son du groupe Tinariwen (Amico 2020). L’étude du timbre et de sa perception permet d’aborder sous un angle renouvelé les assignations identitaires et les hiérarchies raciales (Olwage 2004 explore ainsi la construction d’une « voix noire » en Afrique du Sud au XXe siècle). Objet de contrôle et outil des hiérarchisations, il est aussi marqueur des luttes sociales, transmetteur d’une mémoire d’une grève à l’autre lors des mouvements de 1966-1967 analysés par Gérôme (1999). Enfin, les popular music studies lui accordent une place privilégiée dans leurs études sur l’industrie de l’enregistrement et l’individualisation des stars de la pop music (Julien 1999, Stegner-Petitjean 2011). 

Cette quatrième édition du séminaire nomade entend ainsi remettre au cœur des débats la question du timbre dans toute sa complexité et sa variété, en parallèle au numéro en préparation des Cahiers d’ethnomusicologie (voir l’appel à contribution ici : http://ethnomusicologie.fr/offres-et-appels/1706-appel-a-contributions-cahiers-d-ethnomusicologie-34-le-timbre-musical).

Outre les approches évoquées précédemment en acoustique, analyse sonologique, organologie, création, cognition, étude des identités culturelles et sociales, nous incitons les porteurs de projets à aborder les rapports entre timbre et facture instrumentale, les questions de patrimonialisation et d’interprétation, l’analyse des milieux sonores à travers les qualités de timbre, la musicothérapie et autres pratiques de soin par la musique… la liste n’est bien sûr pas exhaustive.

Nous privilégierons les événements qui permettront de dialoguer avec des acteurs extérieurs au monde académique et de faire sortir la recherche ethnomusicologique des universités et des laboratoires.

Les manifestations de ce séminaire se dérouleront entre janvier et décembre 2021.

Nous appelons les membres de la Société Française d’Ethnomusicologie à nous soumettre des propositions d’événements pouvant être intégrés dans le cadre de ce séminaire. La SFE pourra apporter une aide partielle à leur réalisation (sous forme de défraiements pour un à deux intervenants) à condition qu’ils soient co-financés et que les rencontres fassent l’objet d’une captation audio ou audio-visuelle. Les propositions devront comporter un court descriptif (une demi-page), un programme et un budget prévisionnel de l’action.

Coordinatrices :

Anitha Savithri Herr et Lucille Lisack, pour le CA de la SFE.

Date-limite d’envoi des projets :

–       5 octobre 2020 pour les événements ayant lieu entre janvier et août 2021 ;

–       1er février 2021 pour les événements ayant lieu entre septembre et décembre 2021.

Envoi des propositions : sfe@ethnomusicologie.fr ET anithaherr@yahoo.fr ET lucille@lisack.eu

Bibliographie

Adams Margarethe, 2013, « The Fiddle’s Voice: Timbre, Musical Learning, and Collaborative Ethnography in Central and Inner Asia », Collaborative Anthropology 6, p. 149-169.

Amico Marta, 2020, La fabrique d’une musique touarègue. Un son du désert dans la World Music, Paris, Karthala.

Barthes Roland, 1972 « le grain de voix », Musique en jeu, 9, p. 57-63.

Beaudet Jean-Michel, 1997, Souffles d’Amazonie. Les orchestres tule des Wayãpi, Nanterre, Société d’Ethnologie, « Hommes et musiques ».

Barrière Jean-Baptiste, 1991, Le timbre, métaphore pour la composition, Paris, Ircam, Bourgeois.

Campos Lucia, 2016, Les modes d’écoute d’une poésie chantée : le maracatu de baque solto de la cultura popular à la scène musicale globalisée (Brésil-Europe), thèse de doctorat, Paris, EHESS.

Castellengo Michèle, Hugues Genevois, dir., 2013, La musique et ses instruments, Sampzon, Delatour France.

Castellengo Michèle, 2015, Écoute musicale et acoustique : avec 420 sons et leurs sonagrammes décryptés, Paris, Eyrolles.

Curtet Johanni, 2013, La transmission du höömij, un art du timbre vocal : ethnomusicologie et histoire du chant diphonique mongol, Thèse de doctorat, Rennes.

Fales Cornelia, 2002, « The Paradox of Timbre », Ethnomusicology 46/1, p. 56-95.

Gérôme Noëlle, 1999, « Chronique sonore de l’occupation musicale d’un territoire : deux mois de grève aux usines Dassault de la région bordelaise (décembre 1966-février 1967) », Ethnologie française 29/1, p. 49-56.

Hérold Nathalie, 2012, « Timbre et analyse musicale : les possibilités d’intégration du timbre dans l’analyse formelle des œuvres pour piano du dix-neuvième siècle », Marie-Noëlle Masson, dir., L’interprétation musicale, Sampzon, Delatour France, p. 79-103.

Hérold Nathalie, 2015, « La modélisation du timbre et de son organisation formelle dans les œuvres pour piano de la première moitié du dix-neuvième siècle », Xavier Hascher, Mondher Ayari et Jean-Michel Bardez, dir., L’analyse musicale aujourd’hui/Music Analysis Today, Sampzon, Delatour France, p. 93-110.

Hérold Nathalie, 2017, « Le rôle du timbre dans le renouvellement des formes pianistiques chez Chopin », Zofia Chechlińska, Irena Poniatowska, dir., Chopin 1810-2010 : ideas, interpretations, influence, vol. 1, Varsovie, The Fryderyk Chopin Institute, p. 329-344.

Hérold Nathalie, 2019, « Analyser le timbre : objets, méthodes, représentations », Philippe Lalitte, dir. ; Musique et cognition : perspectives pour l’analyse et la performance musicales, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, « Musiques », p. 15-33.

Hood Mantle, 2000, « Ethnomusicology’s Bronze Age in Y2K », Ethnomusicology 44/3, p. 365-375.

Julien Olivier, 1999, « Le son Beatles et la technologie multipiste », Les cahiers de l’OMF, Paris, OMF, p. 35-52. ⟨hal-01901882⟩

Laborde Denis, 2014, « Méthodologie de l’enquête et ontologies musiciennes : enquête sur deux festivals de musiques du monde (Berlin, Aubervilliers) », Cahiers d’ethnomusicologie 27, p. 117-132.

Lévy Fabien, 2007, « Notre notation musicale est-elle une surdité au monde ? » Mathilde Vallespir, Lia Kurts et Marie-Albane Rioux, dir., Ethique et significations, La fidélité en art et en discours, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, « Au cœur des textes », p. 159-186.

Mäder Marion, 2001, Die Musik der Qin im Umfeld von Li Xiangting, Bonn, Holos, « ethnomusiCologne ».

Olwage Grant, 2004, « The Class and Colour of Tone: An Essay on the Social History of Vocal Timbre », Ethnomusicology Forum 13/2, p. 203-226.

Picard François, Marie-Hélène Bernard et Sun Koshu 孫可書, 2013, « La cithare chinoise qin, contextes de jeu et enregistrement », Castellengo – Genevois, p. 249-260.

Rawcliffe Susan, 2007, « Eight West Mexican Flutes in the Fowler Museum », The World of Music 49/2 : 45-65.

Sand George, 1860, dans Champfleury, « Préface », Id., ed., Chansons populaires des provinces de France, Paris Bourdillat, p. XI

Schaeffner André, 1951, « Musique populaire et art musical », Journal de psychologie, janvier-juin, p. 237-258, repris dans Essais de musicologie et autres fantaisies, Paris, Le Sycomore, 1980, p. 23-46.

Schneider Albrecht, 2001, « Sound, Pitch, and Scale: From ‘Tone Measurements’ to Sonological Analysis », Ethnomusicology 45/3, p. 489-519.

Stegner-Petitjean Isabelle, 2011, « ‘The Voice in the Mirror’. Michael Jackson : d’une identité vocale à sa mise en image sonore », Volume ! 8/2, p. 221-253.

Thompson John, 2001, John Thompson on the Guqin Silk String Zither http://www.silkqin.com/

Trân Van Khê, 1986, “Le timbre dans les traditions musicales d’Asie”, Analyse musicales, 3, p. 23-26.

Willoughby Heather, 2000, « The Sound of Han: P’ansori, Timbre and a Korean Ethos of Pain and Suffering », Yearbook for Traditional Music 32, p. 17-30.

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