Les Journées d’études 2020 prendront la forme d’un colloque conjoint de la Société Française d’Ethnomusicologie et de l’International Association for the Study of Popular Music – branche francophone d’Europe, intitulées “Terrains communs. Ethnomsuciologie et popular music studies“.
Ce colloque se tiendra en Bretagne, à l’Université Rennes 2 et à la Maison des Cultures du Monde, du 5 au 7 juin 2020.
TERRAINS COMMUNS: ETHNOMUSICOLOGIE ET POPULAR MUSIC STUDIES
Colloque de la Société française d’ethnomusicologie (Sfe)
et de la branche francophone d’Europe de l’International Association for the Study of Popular Music (IASPM-Bfe)
5 – 7 juin 2020
Vitré, Maison des Cultures du Monde
Prieuré des Bénédictins, 2 rue des Bénédictins, 35500 Vitré, France Rennes, université Rennes 2, campus Villejean
L’étude des musiques traditionnelles et celle des musiques actuelles se sont d’abord développées séparément, du fait de l’hétérogénéité de leurs objets, mais aussi de leurs méthodes et problématiques. D’une part l’ethnomusicologie, riche d’une histoire qui rassemble plusieurs courants en son sein, a longtemps débattu la question de savoir si elle se définissait par un objet – les musiques de tradition orale, voire plus généralement traditionnelles, ou encore extra-européennes – ou par une méthode, l’enquête. Depuis les années 1950, elle promeut un double paradigme de recherche qui conjugue de diverses façons la méthode ethnographique et l’analyse formelle. C’est dans les années 1980 que l’ethnomusicologie s’est affirmée en tant que discipline à part entière dans les universités françaises, notamment dans les départements de musicologie (Bachir-Loopuyt et Belly 2018). La fondation de la Société française d’ethnomusicologie (1983) et la création à Genève de la revue Cahiers de musiques traditionnelles en 1988 (devenue depuis 2007 Cahiers d’ethnomusicologie) ont contribué à une plus grande autonomie de cette discipline dans l’espace francophone. Certaines frontières se sont durcies alors entre le périmètre des « musiques traditionnelles », considérées comme l’objet privilégié de l’ethnomusicologie, et celui des « musiques populaires modernes », sur lesquelles les recherches se sont développées essentiellement au sein d’une sphère anglophone dans un premier temps.
En effet, de manière parallèle et relativement autonome, les musiques populaires au sens anglophone de popular music ont commencé à être identifiées dans leurs spécificités médiatiques et industrielles dès la fin des années 1930 avec les écrits d’Adorno sur le jazz et la variété (Adorno 1938 ; 1941). Les recherches se sont véritablement développées et institutionnalisées avec la création de l’International Association for the Study of Popular Music et ses rassemblements biennaux depuis 1979, la création de revues comme Popular Music (1981) et de postes universitaires spécifiquement dédiés. Cette nouvelle dynamique a irrigué le monde académique anglophone d’abord, puis de très nombreux autres pays, dont la France. Historiquement, les popular music studies se sont définies comme l’étude interdisciplinaire des musiques qui n’étaient ni savantes (art music) ni traditionnelles (folk music), soit les musiques populaires occidentales issues de l’enregistrement et distribuées commercialement sur des marchés de masse (Tagg 1982).
Pourtant, au-delà de ce partage disciplinaire, faire l’histoire de la distinction épistémologique entre ethnomusicologie et popular music studies porte aussi à considérer le processus inverse, soit l’interpénétration entre des objets et des approches relevant a priori de l’un ou de l’autre de ces deux champs disciplinaires. Ceci complexifie la question des frontières entre disciplines et met l’accent sur des logiques de transversalité ou de complémentarité entre objets et méthodes (Grupe 2013). À un niveau plus international en effet, l’ethnomusicologie a depuis les années 1980 élargi son intérêt au-delà du périmètre classique des « musiques traditionnelles », auparavant limité à celles imaginées et recherchées comme vierges de tout contact avec le contexte commercial, médiatique et mondialisé des industries culturelles (à la suite de Liszt, 1859, de Bartók 1930a et b et de Brăiloiu — voir Morand 1935 — en particulier). Sortant peu à peu la discipline du « paradigme des derniers » (Fabre 2010), de plus en plus d’ethnomusicologues ont alors commencé à analyser les développements des musiques populaires dans le monde non-occidental (Constant Martin 1982, Manuel 1988, Waterman 1990, Meintjes 2003, Mallet 2004, Martin & Arom 2006). Dans cette dynamique, ils se sont mis à considérer les musiques des diasporas installées dans les villes européennes et nord-américaines (Slobin 2003), et à décrire les enjeux de la mondialisation culturelle comme la transformation, sous la pression des marchés métropolitains, des répertoires « locaux » et des identités culturelles qui y sont rattachées (Erlmann 1991, Guilbaut 1993). Ils ont ainsi observé les réinscriptions médiatiques des « autres » dans des pratiques discursives héritées d’un passé colonial (Feld 1996) ou encore les échanges culturels et les rapports de domination qui accompagnent l’établissement du marché de la world music (Taylor 1997). Parallèlement, des chercheurs affiliés à l’IASPM ont rapidement intégré des méthodes ethnographiques et revendiqué des positionnements proches de l’ethnomusicologie (Hennion 1981, Finnegan 1989, Walser 1993, Middleton 1993, ou plus tard Berger 2006 et Butler 2006, Guibert & Rudent 2018). L’étude des musiques populaires dépasse alors son inclination textualiste issue des cultural studies pour s’intéresser, par exemple, à la construction locale des savoirs musicaux, dans le but de déconstruire les prénotions entourant les identités « subculturelles » et les essences stylistiques (Straw 1991, Laughey 2008, Guibert 2012). Dans cette dynamique, l’ethnographie s’est imposée comme une démarche méthodologique précieuse (Cohen 1993, Berger 2008) qui venait contrebalancer une idéologie stigmatisant les productions musicales comme marchandises capitalistes, ne venant de nulle part et n’appartenant à aucune époque.
En France, la dernière décennie a été marquée par le développement d’un grand nombre de recherches dépassant les frontières disciplinaires, par des projets réunissant anthropologues, sociologues, musicologues, ethnomusicologues ou chercheurs en littératures anglophones, qui portaient sur des questions transversales ou centrées sur un genre musical spécifique comme le rap, le punk, le heavy metal, la chanson ou les musiques du monde. Par leur existence même, ces initiatives interrogent déjà de fait les terrains communs de l’ethnomusicologie et des études sur les musiques populaires, en montrant comment les différents champs disciplinaires offrent des analyses plurielles, voire complémentaires ou divergentes de l’objet musical. C’est donc à la cartographie des recherches actuelles, à la consolidation de ces dynamiques naissantes et à la construction d’espaces de dialogue scientifique que souhaite contribuer le présent colloque organisé conjointement par la Société française d’ethnomusicologie et la branche francophone d’Europe de l’IASPM.
La notion de « terrains communs » peut bien sûr s’entendre de différentes manières, comme une réflexion sur les méthodologies mais aussi sur les objets et les problématiques. Les recherches que nous souhaitons voir dialoguer peuvent donc s’inscrire depuis tout domaine disciplinaire (sociologie, anthropologie, sciences de la communication, géographie, philosophie, histoire, littérature…) proposant des outils spécifiques d’enquête et/ou d’analyse de l’objet musical. Aussi, même si l’aspect épistémologique est mis en avant dans cet argumentaire, toute étude de cas sur des musiques populaires au sens large et mettant en lumière sa propre méthodologie d’analyse sera pertinente dans l’optique du présent colloque. Les axes thématiques suivant pourront constituer des pistes pour la discussion :
Épistémologie, histoire, critique des connections entre ethnomusicologie et popular music studies dans le contexte français et francophone
Implications des méthodes ethnographiques et de l’analyse dans l’étude des musiques populaires
Apport des cultural studies à la recherche sur les musiques de tradition orale
Études sur la globalisation, la world music, les circulations musicales Musiques, industries culturelles et médias
Musiques et migrations
Conférenciers invités :
Silvia Martinez, Universitat Autonoma, Barcelone
Martin Stokes, King’s College, Londres
Denis-Constant Martin, directeur de recherches à LAM (Sciences Po Bordeaux) à la retraite
Catherine Rudent, Université Sorbonne Nouvelle, Paris
Pour proposer une communication :
Envoyer à l’adresse popethnomus@gmail.com pour le 13 mars au plus tard en un seul document PDF les éléments suivants:
– nom, prénom
– rattachement institutionnel, fonction (pour les étudiants, préciser le niveau d’étude)
– un résumé d’environ 300 mots en français ou en anglais
Les participants retenus seront informés courant avril. Les communications seront d’une durée de 20 min. La langue officielle du colloque est le français mais les contributions en anglais seront également acceptées.
Comité scientifique :
Marta Amico, maîtresse de conférences ethnomusicologie, université Rennes 2, Sfe
Clara Biermann, maîtresse de conférences ethnomusicologie, université Paris 8, vice-présidente Sfe
Julien Mallet, chargé de recherches à l’Institut de Recherche sur le Développement, Sfe
Elsa Grassy, maîtresse de conférences civilisation américaine, université de Strasbourg, présidente de l’IASPM-branche francophone d’Europe
Denis-Constant Martin, directeur de recherches à LAM (Sciences Po Bordeaux) à la retraite, Sfe
Silvia Martinez, professeur musicologie, Universitat Autonoma, Barcelone
John Mullen, professeur de civilisation britannique, université de Rouen, IASPM-bfe
Emmanuel Parent, maître de conférences musiques actuelles et ethnomusicologie, université Rennes 2, IASPM, IASPM-bfe
Christophe Pirenne, professeur des universités musicologie, Université libre de Louvain, Belgique, IASPM-bfe
Martin Stokes, professeur ethnomusicologie, King’s College, Londres
Comité d’organisation :
Marta Amico, maîtresse de conférences ethnomusicologie, université Rennes 2, APP EA 3208
Karen Arias Romero, masterante ethnomusicologie, université Rennes 2
Pauline Cornic, doctorante musicologie, université Rennes 2, APP EA 3208
Roxane Lemonnier, masterante musiques actuelles, université Rennes 2
Claire Lesacher, docteure sociolinguistique, université Rennes 2, PREFICS
Ingrid Le Gargasson, docteure ethnomusicologie, chargée de programmation Maison des Cultures du Monde
Emmanuel Parent, maître de conférences musiques actuelles et ethnomusicologie, université Rennes 2, APP EA 3208
Baptiste Pilo, doctorant histoire de la musique, université Rennes 2, HCA EA1279
Claire Pujol, doctorante ethnomusicologie, université Rennes 2, APP EA 3208
Lina Zikra, administratrice Sfe